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TRANSITION

centre de court séjour pour usagers de drogues.

Les lignes de force de notre travail

Notre travail repose sur une conviction, celle que la toxicomanie est un symptôme qui cache d’autres souffrances.  Le choix de ce symptôme n’est pas banal.  Nous nous y attardons parce que c’est celui que le patient identifie comme son problème.  Très vite, et dès que possible, nous cherchons avec le patient quelles sont ces souffrances ou problèmes liés à sa toxicomanie.

Ce que la toxicomanie peut signifier prend un sens particulier pour chaque patient.  Nous sommes donc vigilants à aider chacun à rechercher le sens que ce symptôme prend pour lui dans sa trajectoire d’être humain.

Notre travail est axé sur le relationnel, sur la rencontre avec une personne en souffrance.  Cette rencontre est toujours singulière.  Nous tentons tout particulièrement à ce que, dans le travail que nous faisons le patient, celui-ci soit reconnu dans sa différence.

La vie institutionnelle.

Transition, de par sa proposition de soins en résidentiel constitue pour le patient un lieu d’expérimentation des modes de relation et de communication qu’il met en jeu.

La vie en institution est l’occasion pour les soignants d’être attentifs à ces éléments qui surgissent de l’interaction.  La vie en institution crée les conditions pour que des émotions, des vécus, des questions puissent émerger, cela par la participation à la vie quotidienne et aux tâches qu’elle nécessite,  par la participation aux activités sportives, par l’instauration de règles de vie, par la tension constante  entre l’intérêt individuel et la vie en collectivité.

Chaque membre de l’équipe est conscient que d’autres enjeux coexistent avec ces activités.

Les patients reproduisent à Transition les modes relationnels qu’ils utilisent à l’extérieur et qui, bien souvent, sont pour eux problématiques.  Nous disposons donc d’un matériel important qui nous donne l’occasion d’avancer dans le travail thérapeutique.

Notre rôle est de garantir un lieu suffisamment sécurisant pour permettre l’émergence de ces différentes émotions et ainsi permettre au patient de cheminer vers une plus grande autonomisation et une élaboration de projets de vie moins destructeurs.

2. Un projet mené en équipe pluridisciplinaire

Le travail à Transition se réalise en équipe.  Cette équipe pousse à  la confrontation d’idées, à la recherche constante de cohérence sans museler la créativité, à l’obligation de rendre compte des choix et décisions prises par les intervenants avec les patients, à la mise en question régulière de la pertinence de nos repères institutionnels.  Elle offre aussi, pour ces membres,  de par les liens tissés au cours des années, soutien, gratification et reconnaissance.

A Transition nous privilégions le fait que tout intervenant, qu’il soit éducateur, psychothérapeute, médecin généraliste ou médecin psychiatre, est concerné en permanence par l’objectif thérapeutique.  Cela implique une démarche collective concertée.

Cela suppose, d’une part, l’instauration de lieux différenciés de parole et, d’autre part la tenue de réunions cliniques hebdomadaires où les observations, les inquiétudes, les hypothèses, les propositions des uns et des autres se discutent et où les décisions s’élaborent.

Dans cette constante dialectique au sein de l’équipe soignante, nous avons choisi de considérer le patient comme un partenaire légitime de concertation quant à son traitement.

En tant qu’équipe soignante, nous faisons prévaloir une certaine expérience qui nous permet de proposer d’une part un cadre et d’autre part les limites de notre offre de soins.  Nous sommes vigilants à respecter le rythme du patient, tout en le mobilisant et en l’interpellant par rapport à ce qu’il accepte, grâce à l’établissement de la relation thérapeutique, de nous livrer de lui-même.

« La toxicomanie n’est pas un usage, une convenance, un caprice…C’est, pour la plupart des patients qui nous consultent, la seule solution qu’ils ont trouvée pour se soulager de ce qui est devenu invivable, insupportable, inhumain, trop douloureux,…Quand ils sont sevrés émergent des affects non-élaborés liés aux moments les plus douloureux de leur histoire : rage, tristesse, peur, abus, violences de toutes sortes, abandons, décès prématuré, conflit ouvert ou caché entre les parents, ruine, faillite, chômage, séparation brutale, carences affectives, éducatives,..  Ces événements graves sont souvent niés, banalisés, minimisés, quand ils ne sont pas carrément refoulés ou non pensés.  C’est en quoi ils sont traumatiques. »

(Extrait du rapport d’activités 1998).

Les lieux de parole différenciés vont permettre au patient d’aborder ces multiples manques et souffrances :

  • l’entretien de répondance.  Chaque patient travaille avec un éducateur « répondant », idéalement celui qui aura initié le contact lors de l’entretien d’admission préalable à un séjour.
  • Un lien privilégié peut s’y établir.  Il s’agit d’une offre de parole faite au patient, d’un lieu décisionnel au quotidien, d’un lieu de négociation.
  •  l’entretien avec le psychothérapeute et l’entretien avec le médecin psychiatre : ce sont des lieux de paroles plus intimes, où des problèmes parfois lourds peuvent se dévoiler. Ce sont des lieux volontairement en retrait de la vie institutionnelle, mais non sans lien avec elle.  Ce sont des lieux où vont pouvoir être questionnés, entre  autres,  certains moments de la vie institutionnelle.
  • l’entretien avec le médecin généraliste : il propose une écoute toute particulière aux plaintes somatiques et à leur lien avec la souffrance psychique du patient.  L’occasion d’aborder la fonction du produit et son usage est donnée.  Cette rencontre permet également la mise au point et le suivi des problèmes médicaux éventuels des patients et en collaboration avec le psychiatre, la prescription des traitements de sevrage ou de substitution et de soulagement des symptômes dépressifs anxieux, psychotiques,…qui pourraient empêcher la poursuite du travail thérapeutique.  Ce lieu est à concevoir en articulation avec les autres lieux du traitement
  • L’entretien avec la directrice :  il  a trait au séjour, à sa clôture, sa prolongation ; il sert pour un rappel formel du cadre, de la loi.

Notre spécificité tient également au travail collectif inhérent à notre mode de fonctionnement en hébergement.

Des groupes de paroles sont proposés quotidiennement aux patients.  Ils ont pour objectif de permettre aux patients de vivre ensemble dans un même lieu, de créer une dynamique de groupe propice à la réalisation de nos objectifs, d’aborder des thèmes qui stimuleront le travail thérapeutique.  Les techniques utilisées pour ces groupes sont bien sûr la parole, mais aussi le mime, le dessin, l’image, …

Des activités sportives, culturelles, artistiques et récréatives s’organisent pendant la semaine et le week-end.  Elles font partie intégrante du travail thérapeutique.

Un animateur sportif encadre l’activité escalade depuis 10 ans déjà.

3. Un travail qui accorde une place aux proches

Nous poursuivons une approche qui prend en compte les ressources de tous les protagonistes.

Nous recadrons la prise en charge comme nécessaire pour les proches et pas seulement pour le seul patient.

Il s’agit d’une approche qui privilégie l’écoute d’un sujet en interaction avec son milieu, d’un sujet dans son contexte et, dans un deuxième temps, d’un travail de médiation de la parole.

Ces contacts alimentent et activent le processus thérapeutique.

Le travail avec les familles est, dans bien des situations, indispensable.  Nous sommes amenés par nos patients à devoir également prendre en charge des proches très en danger ou très en souffrance.

Nous rencontrons les proches avec l’accord du patient.

4. Le travail avec la méthadone

En mars 1997, nous avons décidé d’accueillir à Transition des patients avec un traitement méthadone en cours.  Nous ne sommes pas initiateurs de traitement méthadone.

Le patient peut demander soit une diminution progressive jusqu’à un sevrage, soit une stabilisation.

La méthadone s’avère être un outil dans notre pratique, elle a contribué à l’évolution de notre prise en charge, elle nous a poussés à davantage de créativité.

La question de l’abstinence, idéal thérapeutique qui ralliait la majorité des travailleurs en 1993 a été posée.  Comment repérer ce qui relève de l’idéal de l’intervenant, comment parvenir à ne pas se substituer à la demande du patient, à la respecter et, tout à la fois, à mobiliser le patient vers un mieux-être ?

Comment préserver une offre de soins répondant à la demande des patients ?

La méthadone a contribué à une différenciation dans le travail thérapeutique avec les patients.  Le traitement fait partie de son séjour, s’intègre à son projet.  Nous interpellons le patient quant à son choix (abstinence, maintien de la méthadone), et ce en regard de la pertinence de l’alternative qu’il souhaite mettre en place.

Le maintien de la méthadone, tout comme l’arrêt de la prescription est l’objet d’une négociation avec le patient.  C’est sur base de nombreux repères cliniques que la décision se prend et il nous arrive de convaincre le patient de l’opportunité de maintenir ou de suspendre la prescription de méthadone.

5. Le travail avec des patients dans le cadre d’injonctions judiciaires. 

Partant du constat de difficultés répétées dans l’accueil de patients sous contraintes judiciaires, des dires des patients à ce sujet, de leur difficulté à adhérer à un processus thérapeutique et du fait que les conséquences de notre intervention peuvent être lourdes pour eux, nous proposons aux patients incarcérés que nous rencontrons de reprendre contact avec nous à leur libération.  Il est indispensable pour notre travail de vérifier à ce moment l’adéquation de notre offre de soins.

Il nous semble que cette position garantit au patient la possibilité d’investir dans un travail thérapeutique, et nous garantit à nous la possibilité de nous présenter comme une structure de soins parmi un panel d’offres faisant partie d’un réseau.  Nous tenons à rester une offre de soins à laquelle le patient peut souscrire, qu’il peut interrompre, qu’il peut reprendre…

Cela nous permet d’orienter le patient vers d’autres structures, voire d’interrompre le séjour quand nous le jugeons nécessaire, et ce sans craindre d’éventuelles  implications judiciaires pour le patient.

Nous restons vigilants quant à l’impact de cette pratique. Nous ne souhaitons pas fermer nos portes à une « catégorie » de patients, mais nous souhaitons pouvoir garantir un lieu thérapeutique.

« Notre devoir de réserve et notre souci de toujours laisser le patient dans une position de sujet nous demande, tels des funambules, de préserver la confiance de nos patients sans en être complice, et d’être garants de la loi sans en être exécutants ».

(Extrait du rapport d’activités 2000).

6. Un travail qui s’adapte à l’évolution de la problématique

A Transition l’accent a toujours été mis sur le fait que le patient définisse un projet après le séjour. Transition, comme son nom l’indique, est un bout de chemin, un carrefour, une passerelle, un refuge, un abri… La structure d’hébergement peut protéger pour un temps le patient, mais elle ne doit pas le couper pour autant de sa réalité familiale et sociale.

Les orientations sont, pour un grand nombre de patients, soit une postcure, soit un travail thérapeutique en ambulatoire.

Nous sommes toutefois amenés à devoir chercher des alternatives nouvelles.

Il est des situations où ces alternatives ne sont pas une offre de soins adaptée à la situation particulière d’un patient.  Par exemple :

  • le patient pour qui un séjour en postcure est indiqué, mais pour qui un sevrage de la méthadone s’avère délicat, voire contre-indiqué.  Le sevrage de la méthadone reste une condition d’admission dans les différents centres de postcure ;
  • le patient avec des problèmes psychiatriques associés.  Différentes manifestations de ces problématiques (décompensation, risque de violence, rupture avec la réalité,..) rendent la vie communautaire difficile à gérer.
  • Il s’agit de patients pour lesquels nous ne trouvons pas toujours de structures prêtes à prendre le relais ;
  • le patient qui a déjà fait à plusieurs reprises l’essai de séjour en postcure, qui ne croit plus en cette solution, et pour qui nous ne pouvons soutenir une orientation vers un mode de vie plus autonome.

Ces différentes observations soulèvent inévitablement une question, question que nous souhaitons mettre en débat avec d’autres intervenants.  Est-ce la clinique qui se complexifie ou est-ce notre regard sur les patients avec qui nous travaillons qui change ?

7. Un travail en réseau

Transition s’inscrit au sein du réseau d’offres de soins, en amont et en aval des autres structures.  Notre façon de concevoir le travail en réseau est aussi en réflexion et part de l’idée maîtresse  de mettre au centre le patient et son intérêt.

Nous pensons qu’il est plus intéressant que ce soit le patient qui fasse le lien entre les différents intervenants plutôt que nous, intervenants psychosociaux, en son nom et à sa place.

Nous voulons restituer au patient son droit de sujet, sa liberté de décision et de choix quant à son propre parcours thérapeutique.  Nous le soutiendrons dans ce processus.

Pour nous, services de soins, services psychosociaux, il est important de travailler en réseau, c’est-à-dire de nous connaître, de connaître les limites de nos interventions, de repérer les manques au niveau des structures de soins, de faire partie des coordinations locales, régionales et fédérales (Coordination Drogue de Charleroi, Fédito Wallonne, Plateforme de concertation en Santé Mentale,…) et de réagir à la politique en matière de prise en charge des patients toxicomanes.

Nous sommes particulièrement vigilant à l’actualité en cette matière.  Nous pensons au projet de décret wallon relatif à l’agrément et au subventionnement des réseaux d’aide et de soins et des services spécialisés en assuétudes et la mise en place des case manager thérapeutique et judiciaire dans le cadre de la Note Fédérale de Politique en matière de Drogue.

Un souci tout particulier de notre travail est d’assurer, dans le décours des différents séjours, la continuité des soins.  Nous tentons de faire en sorte que, quelle que soit la modalité de la fin du contrat, une possibilité de contact avec un intervenant soit possible.

Pour conclure cet aperçu sur notre pratique, il est important de rappeler que le temps qui nous est donné de par notre mission avec les patients est d’une durée d’un mois (avec une prolongation possible en fonction du projet).  Si les objectifs de sevrage et d’orientation ne sont pas toujours atteints en ce temps parfois trop court, nous pensons que d’autres objectifs plus modestes peuvent l’être et sont pour certains patients et/ou leurs proches un petit pas vers un mieux être.

Un processus d’évaluation a été initié avec un expert au début de cette année 2003.  La difficulté de la démarche a résidé dans la définition même de l’évaluation, dont l’objet n’est pas de « contrôler » dans l’acception habituelle du terme, mais bien de relever des traces, des signes qui permettent de s’interroger sur le sens et la valeur de notre travail.  Ce travail en profondeur a notamment permis de repréciser les choix posés par l’institution et a confirmé la pertinence de ceux-ci en rapport avec not